

Transcription :
TINY HOUSES
Vivre compact pour vivre mieux
C’est des États-Unis que la mode est arrivée. Au pays de l’oncle Sam, où les maisons ont grossi tout au long du Xe siècle, un designer sonné Jay Shafer a mis le doigt sur un problème fondamental : pourquoi continuer de vivre dans d’immenses maisons alors qu’il serait plus économique et plus écologique de réduire les surfaces ?
De cette réflexion est né le mouvement des tiny houses, micro-maisons en VF, qui pousse cette logique à l’extrême. Ces habitations de 20 m2 environ, montées sur des remorques pour pouvoir être transportées d’un terrain à un autre, ont fait leur apparition en France en 2013 sous l’impulsion d’Yvan Saint-Jours, pionnier hexagonal. Depuis, plusieurs centaines de ces logements insolites, qui reprennent le principe de la caravane mais en utilisant une ossature bois et des matériaux plus intéressants au niveau de l’isolation, ont été créées.
C’est également le cas dans les pays de Savoie, comme à Saint-Sulpice, sur les hauteurs de Chambéry où vit Simon, un ingénieur de 34 ans en reconversion professionnelle, qui a décidé de s’affranchir des standards pour faire coller son habitat à ses convictions. « Je me suis interrogé sur mes besoins, sur ce qui était nécessaire et ce qui ne l’était pas », explique-t-il. « J’ai toujours été animé par l’envie d’avoir une maison qui soit écolo et dans laquelle je puisse vraiment me poser. J’ai découvert le concept des tinys, qui répondait pour moi à pas mal d’enjeux!’ Il s’est adressé à Pierre-Yves Grillet, constructeur de tiny house en Savoie, qui a lancé la société Toc Toc Tiny il y a un an.
« UNE OPPORTUNITÉ D’EXPÉRIMENTER »
Si ces micro-maisons ne sont pas forcément hyper performantes en termes d’isolation, c’est par leur taille qu’elles permettent de limiter la consommation d’énergie. En entrant dans celle de Simon, on constate tout de suite que rien n’est laissé au hasard et que chaque espace est organisé de façon à être utilisé au mieux. À droite de la porte, un canapé et bureau lui servent à travailler. À gauche, une cuisine et une salle de bain surplombée par une mezzanine, pour dormir, à laquelle on accède par un escalier dont les marches servent également de rangements. « Pour moi, c’est vraiment
un cas pratique, une opportunité d’expérimenter. Je me suis dit qu’il y avait
peut-être autre chose que ce qu’on nous propose classiquement », affirme-t-il.
L’isolation est faite en isolant bio-sourcé (lin, chanvre coton) et l’extérieur en cèdre rouge. Un bois léger, car le poids est un élément essentiel pour les tinys, qui sont des véhicules immatriculés disposant d’une carte grise mais qui doivent impérativement peser moins de 3,5 tonnes pour être déplacées.
Chez Toc Toc Tiny, la réduction de l’impact environnemental se traduit également par l’emploi de matériaux locaux : le cèdre rouge est issu des Pays de Savoie, tout comme les fenêtres, par exemple, qui sont fabriquées près d’Aix-les-Bains.
« CE SONT DES GENS QUI EN ONT MARRE DE PISSER DANS L’EAU POTABLE »
Parmi les adeptes de la tiny house, tous n’ont pas le même profil. La deuxième cliente accompagnée par Pierre-Yves Grillet n’est pas venue vers lui dans une démarche écologique. « Elle en avait simplement marre de payer un loyer. Elle cherchait une solution à une problématique de logement, dans une région où le foncier est en très forte tension », explique-t-il. Une alternative qui permet également de dissocier la propriété d’un logement de celle du foncier, puisque les tinys ne nécessitent pas d’avoir son propre pré.
Cette clientèle, Jonathan Dassieu, PDG de ma Petite Maison, basée à Thonon-les-Bains et qui a commercialisé des tiny houses depuis quatre ans, la rencontre également. « Beaucoup de gens ne veulent pas s’endetter sur des longues années et choisissent ce modèle pour ne pas trop dépenser », analyse-t-il. Car si Jay Shafer affichait une facture de 5 000 dollars pour sa construction, les prix des tiny house en France sont plutôt entre 25 000 euros (sans l’aménagement intérieur) et 60 000 euros pour des réalisations particulièrement travaillées.
Mais cette approche strictement économique n’est pas forcément majoritaire. La plupart des habitants de ces petites demeures s’intéressent à la démarche avant tout dans un but de limiter leur impact sur l’environnement. « Ce sont des gens qui en ont marre de pisser dans l’eau potable, des pionniers de la transition écologique », résume Pierre-Yves Grillet, lui aussi préoccupé par les questions environnementales.
Ainsi, en plus des toilettes sèches, ils sont nombreux à installer des panneaux solaires, récupérer les eaux de pluie ou mettre en place un filtrage écologique des eaux grises. « Pour ceux qui choisissent la co-construction, il y a la volonté de s’invertir dans son habitat, d’expliquer ce qu’on a fait soi-même. Pour les autres, c’est une problématique de logement et ils veulent un modèle clefs en main », observe Pierre-Yves. « Pour moi, l’idée de liberté était également très importante », ajoute Simon.
TOUS TINYS ?
Alors, la tiny house peut-elle devenir une alternative de masse face aux enjeux climatiques et immobiliers ? Pierre-Yves Grillet ne le pense pas. « Ce n’est pas une réponse adaptée face à la crise du logement. On n’est pas à l’échelle. C’est simplement un petit signal envoyé à la puissance publique, une solution dans la panoplie des choses que l’on peut faire, notamment pour dissocier l’acquisition du bâti de celle du foncier » .
Lui qui travaillait également dans le secteur de l’urbanisme ne souhaite d’ailleurs pas voir les tinys pousser comme des champignons sur des terrains non-adaptés réglementairement. On en est de toute façon encore loin. Si leur nombre exact en France n’est pas renseigné, il se compte aujourd’hui en centaines. « Mais c’est quelque chose qui est en train d’exploser. Il y a beaucoup de constructeurs qui apparaissent. C’est un mouvement naissant qui est sorti d’une phase qui ne regroupait initialement que des pionniers », observe Pierre-Yves.
Une analyse que confirme Jonathan Dassieu : « On sent que c’est en train de se développer très vite. Il y a des gîtes, des particuliers qui font de la location, d’autres qui y vivent à l’année. » Son inquiétude concerne la législation, qui considère aujourd’hui les propriétaires de micro-maisons comme ceux de caravanes. « J’espère qu’on ne va pas voir arriver de nouvelle loi pour empêcher les gens de s’installer sur certains terrains. Si ce n’est pas le cas, ça va prendre de plus en plus d’ampleur. » •
En plus des toilettes sèches, ils sont nombreux à installer des panneaux solaires et à récupérer les eaux de pluie ou mettre en place un filtrage écologique des eaux grises.